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Comment assurer l’intégrité des gouvernants ? La question a été au cœur de la réflexion politique depuis l’Antiquité. Il existe, selon Eric Buge, ancien secrétaire général adjoint de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, deux modèles : l’un est fondé sur l’intégrité des individus, l’autre sur celle des institutions. Le premier consiste « à susciter la vertu dans leur personne, notamment au travers de l’éducation ou de la création d’une culture politique adéquate ». C’est la voie de Platon, celle de l’Antiquité romaine, des humanistes de la Renaissance ou des jacobins. A Rome, la vertu était au fondement de l’aptitude à exercer le pouvoir. Les censeurs gèrent le registre des personnes admises au Sénat ; ils inspectent leur vie publique, mais aussi leur vie privée : se comportent-ils bien avec leur famille, avec leurs esclaves ? Gèrent-ils bien leur propriété ?
Même sous la monarchie absolue, une forme de devoir d’exemplarité existe. Les monarques de l’Ancien Régime doivent suivre scrupuleusement la praxis religieuse. « L’exemplarité est pensée à l’aune des vertus chrétiennes : le souverain est-il charitable, est-il bon, pieux, sincère ? », décrypte l’historien spécialiste du catholicisme moderne Olivier Christin. La légitimité du monarque lui venant de Dieu, il ne doit pas de comptes au peuple. L’idée de corruption « est complètement anachronique avec les monarques », affirme le spécialiste. Quant aux mœurs, « la tolérance sexuelle était incroyable. Louis XIV et Louis XV étaient des consommateurs sexuels névrotiques », sans que cela leur vaille une véritable réprobation morale.
La conception de l’exemplarité change beaucoup à l’époque moderne, Machiavel en proposant une pensée sécularisée. « Il défend l’idée que l’exemplarité n’est pas forcément nécessaire. Ce qui compte, c’est d’avoir l’air exemplaire, quelle que soit sa conduite », explique la philosophe Laurence Devillairs. Le Prince est vertueux au sens où il fait ce qui est utile, « y compris, parfois, embrasser le mal. La finalité, c’est toujours de conserver le pouvoir pour le bien du peuple ».
Avec Hobbes, Locke et Rousseau, les théories du contrat social créent des obligations pour le souverain, dont l’autorité n’émane plus de Dieu. Montesquieu développe le lien entre démocratie et vertu, proposant une analyse politique, et non morale, de la corruption. « Montesquieu dit que l’on ne peut plus compter sur la vertu individuelle ni sur la vertu chrétienne, explique la philosophe spécialiste des Lumières Céline Spector. Ce qu’il faut alors penser, c’est l’équilibre des pouvoirs et des contre-pouvoirs, de telle sorte que les ambitions se répondent. »
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